René Marsteau et son épouse Suzanne sont depuis la rentrée scolaire 1942 instituteurs à l’école publique du Breuil sur la commune de Sainte-Eanne. Ils ont été déplacés d’office de leur poste précédent à Amailloux du fait de leur opposition plus ou moins marquée au régime de Vichy. Ils ont deux filles d’une dizaine d’années.
Immédiatement acceptés par la population de Sainte-Eanne, ils entretiennent d’excellents rapports avec leurs collègues comme avec l’ensemble du corps enseignant. Militants socialistes convaincus, ils sont contre tous les totalitarisme, viscéralement épris de liberté et donc instinctivement opposés à l’occupant nazi.
Dès le début de l'année 1943, ils recherchent le contact avec la Résistance. Ils le trouvent à Saint-Maixent auprès de Chichéry (Capitaine Rémy) responsable interdépartemental du mouvement de résistance Libération - Nord, beau-frère de Beche, député socialiste des Deux-Sèvres.
Sous le nom de (Cavour), René Marsteau devient lieutenant, chargé du recrutement et de l’encadrement de ce mouvement dont le chef départemental est Jean Renhas (Jérome) et le chef régional, le Général Faucher (Thomas).
Carte de situation en sud Deux-Sèvres © CRRL
Conformément aux ordres reçus au plan national, fin 1943, les mouvements Organisation Civile et Militaire (OCM) et Libération-Nord fusionnent pour donner naissance à l’Armée secrète (AS) des Deux-Sèvres sous l’autorité d'Edmond Proust (Gapit), instituteur à Perré sur la commune de Saivres.
Le PC de l’AS des Deux-Sèvres s’implante en partie à l’école de Sainte-Eanne, chez les Marsteau qui restent en étroite liaison avec Proust. André Boyer, ami des Marsteau assure des liaison notamment avec Chichéry à Saint-Maixent et Beche à Paris.
Mais la Gestapo redouble d’activité et après de nombreuses arrestations début août 1943 dans les secteurs de Thouars, Bressuire, Parthenay et Melle, le 29 janvier 1944, elle arrête le Général Faucher devenu chef régional de l’AS région B. Le 9 février, c’est le tour de Claude Bonnier (Hypothénuse), délégué militaire régional, de Bardin et de plusieurs membres de son État Major.
Se sachant menacé, Edmond Proust quitte chaque nuit sa maison-école à Perré pour n'y revenir que le matin, après vérification d'aucune intrusion en son absence. Ce 18 février 1944, à l'affût du moindre bruit suspect, il échappe de justesse à l'arrestation. Quittant précipitamment les lieux, il se terre pendant trois semaines avec son épouse Lina et rejoint son refuge minutieusement préparé, le Logis de La Bidolière (commune de Saint-Martin de Saint-Maixent).
Il faut reconstituer l’État Major départemental et renouer tant avec les formations régionales voire nationales qu’avec les responsables de secteurs dans le département.
Au début de mars, Chaumette se présente, un soir à la nuit venue, chez les Marsteau rescapés eux-aussi de la rafle du 18 mars. Madame Marsteau se trouve face à un individu à la barbe hirsute, un béret enfoncé sur les yeux, dans un costume trop grand pour lui, qu’elle ne reconnaît pas tout d’abord. Très vite, ce sont les retrouvailles et le travail clandestin qui recommence pour rétablir les liaisons nécessaires.
Au fil des semaines et des mois qui s’écoulent Chaumette qui réside à La Bidolière, revient chaque jour à la nuit tombée à Sainte-Eanne et en repart au petit jour. Toute la nuit, il travaille avec Marsteau et les agents de liaison :
Peu à peu, la structure départementale est renforcée et quand a lieu le débarquement en Normandie, plus de 2 000 hommes sont prêts à l’action sous l’autorité de leurs chefs de groupes. Le découpage de leurs zones d'action sur le territoire leur laisse le nom de Triangles. Malheureusement, malgré les demandes pressantes et répétées notamment auprès du Général Moraglia, chef régional de l’AS à Bordeaux, aucun matériel, aucune arme n’ont été parachutés. Seuls quelques Triangles sont sommairement équipés d’armes provenant du reliquat de parachutages anciens ayant échappé à la Gestapo (1 dans la région de Thouars, 3 dans la région de Parthenay et 3 dans le Triangle 16 dans la région de Saint-Maixent-l'École).
Dès le mois de mai, des rapports réguliers se sont établis avec le chef départemental des Francs Tireurs et Partisans (FTP), le commandant Robin (Michel).
Il est convenu que les deux états-majors opéreront en liaison et complet accord pour coordonner leurs efforts. C’est là l’amorce de l’entente entre AS et FTP d’août 1944, d’où naissent les Forces Françaises de l’Intérieur (FFI) sous le commandement de Chaumette.
C’est donc une activité clandestine très importante qui, pendant sept mois a eu lieu à Sainte-Eanne. Les Marsteau apportent une aide précieuse et un soutien sans faille à l'action d'Edmond Proust et logent et accueillent des résistants. Grâce aux multiples précautions prises, grâce aussi, à une certaine complicité du voisinage qui faisait confiance à ses " maîtres d’école ", aucun drame n’a été à déplorer et la libération a permis à chacun de réapparaître au grand jour.
Après un court passage à l’état-major de la subdivision militaire renaissante, René Marsteau a assuré à la Préfecture des Deux-Sèvres l’accueil des prisonniers rapatriés d’Allemagne avant de reprendre sa classe à Sainte-Eanne.
Edmond Proust après avoir assuré en son ordre la libération du département, reconstitué et commandé le 114e RI en opération devant la Rochelle, a été démobilisé fin 1945 et a repris, avec son épouse, son poste d’instituteur à Perré (Saivres).
- Archives du Conservatoire de la Résistance et de la Déportation des Deux-Sèvres et des régions limitrophes
- Chaumet M., Pouplain J-M., La Résistance en Deux-Sèvres 1940-1944, Geste éditions, La Crèche, 2010