Centre Régional Résistance & Liberté

Témoignage Anna Neustadt

Active dans la résistance au sein de l'organisation clandestine le Mouvement National Contre le Racisme à Paris, Anna Neustadt est convoyée jusqu'au Noirvault où elle est cachée sous une fausse identité avec son bébé à l'automne 1943.

« Je suis arrivée au Noirvault après m’être évadée de prison avec un bébé dont j’avais accouché en avril 1943. J’ai été accueillie dans un petit village d’abord à la Chapelle Saint-Laurent. On est venu me chercher avec une voiture à cheval et on m’a emmenée ici au Noirvault. Une dame, Noémie Fradin, « Mémé Fradin » m’a ouvert sa maison, elle m’a accueillie avec ce bébé qu’elle a nourri et moi qu’elle a soignée car j’étais vraiment fatiguée et sous-alimentée. J’étais recherchée pour faits de résistance. J’ai été arrêtée par les brigades spéciales. J’étais enceinte de huit mois quand j’ai été arrêtée. Et je me suis cachée au Noirvault pendant plusieurs mois. J’ai participé à la vie du village. Tout le monde m’a ouvert la porte. J’allais aux veillées. Ils me demandaient de parler, de raconter. Donc les choses étaient ouvertes. On savait et qui j’étais, et ce que je faisais ici, que j’étais dans la Résistance, que je voulais continuer. On ne m’a jamais parlé que je pouvais être quelqu’un de gênant, qui faisait prendre des risques au village. Jamais on ne me l’a dit. Personne. Personne. On me considérait parfois avec un peu d’admiration car j’étais très jeune mais sans plus.

Alors, j’étais partie un jour à Moncoutant pour apporter au médecin une volaille, une victuaille pour le remercier d’avoir soigné mon fils Gabriel-Guy. Et je sortais de chez ce médecin. J’étais dans une rue de la petite ville de Moncoutant qui n’est pas comme aujourd’hui. Et une traction noire s’est arrêtée à côté de moi. Et le fils de Noémie Fradin, Daniel, est sorti avec deux hommes de la Gestapo. Je les ai reconnus et j’ai reconnu cette traction. Et il m’a posé la meilleure question que l’on puisse poser : « savez-vous où est Jacqueline ? » Jacqueline, c’était moi ! Je m’appelais Jacqueline Dumont à cette époque. J’ai répondu rapidement « Jacqueline, il me semble qu’elle est montée par là. Il me semble l’avoir aperçue ». Et j’ai continué mon chemin. Et je suis entrée par la première porte ouverte et c’était chez un horticulteur. J’étais dans un bureau et à nouveau, ces hommes de la Gestapo avec Daniel Fradin, sont entrés. Et Daniel m’a dit « On nous a dit dans le village que Jacqueline est partie par ici. Qu’elle est entrée ici. » Alors j’ai dit « je ne sais pas. Je ne l’ai pas vue. » Je suis partie dans le jardin. Il y avait un jeune homme qui s’occupait des fleurs et je lui ai dit « Chéri, sais-tu où est Jacqueline ? » Ce pauvre garçon n’a pas su quoi répondre, il n’a pas répondu. Il est à moitié tombé dans ses fleurs. Et j’ai dit « vous voyez, Jacqueline n’est pas là ». Ils sont partis. Et immédiatement on m’a dirigée vers le bout du jardin. J’ai été prise en main par différentes personnes. Le pasteur Casalis est venu me chercher. J’ai passé une nuit dans une grange. Quelqu’un dormait avec moi car je n’étais pas rassurée. C’était une jeune fille du pays comme moi de mon âge qui m’a aidée. »

Extrait du témoignage d’Anna Neustadt recueilli à l'occasion du 40ème anniversaire de la libération de Moncoutant – Septembre 1984 

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