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Témoignage Rebecca Irène Kasmann

Résistante au sein du Mouvement National Contre le Racisme et se sachant menacée d'arrestation, Rebecca confie son fils de 10 ans Thomas à la filière de sauvetage du MNCR qui cache celui-ci au Noirvault dans les Deux-Sèvres.

La Résistance avec le Mouvement National Contre le Racisme

« Cela s’est passé en 1942, j’ai pris la résistance. On ne m’a rien demandé. Personne ne m’a poussé. C’était ma volonté. J’ai trouvé que c’était mon devoir. Et je suis rentrée dans un réseau. Mais j’avais un petit enfant à la maison, un petit garçon qui s’appelait Thomas et qui n’avait que 10 ans. Quoi faire avec cet enfant puisque je suis rentrée tout de suite dans l’illégalité ? Mon cher ami Lova1, que je connaissais parfaitement bien à l’époque m’a dit : « Irène, ne vous en faîtes pas, je vous place votre enfant pour qu’il soit à l’abri ». Et un beau matin, il me dit : « Vous prenez votre enfant. Vous allez vous rendre dans le XVIIème arrondissement devant le métro Wagram, il y aura là-bas une jeune dame blonde2, elle aura un journal à la main et vous allez lui confier votre enfant. Elle amènera cet enfant dans un endroit sûr. » Maintenant mes chers amis, imaginez-vous ce que sait pour une mère que de se séparer dans ces conditions d’un enfant de 10 ans sans savoir où il allait. L’enfant est parti. Moi je suis restée seule devant le métro. […] Je suis retournée à mon travail. Mais le cœur d’une mère… Je n’étais pas sensible car je savais que si Lova m’a dit : « l’enfant va être bien » … Mais mon cœur vibrait. Je ne savais pas ce qui m’arriverait le lendemain. Je savais très bien ce qu’était la résistance.

Un mois, deux mois se passent. Non ! Mon cœur est déchiré. Je n’en peux plus. Je prends le risque.

Avec ma fausse carte d’identité je prends le train. Je voulais voir où se trouvait mon enfant. Je viens ici, dans ce village, donc le Noirvault. Je rentre dans cette petite maison où je vois madame Fradin. Je me présente, je vois l’enfant. Elle me prend dans ses bras et elle me dit : « Irène, soyez tranquille, votre enfant c’est notre enfant ». Je suis restée 24 heures. J’ai quitté le lieu. Je suis partie. Ça n’a pas duré longtemps. J’ai senti qu’il y avait quelque chose qui me guettait derrière. Ma vie était en danger.

Après Noël, je me dit : « non, il n’y a rien à faire, il faut que je retourne au Noirvault ». Il faut que je retourne encore un petit coup. J’ai encore pris un gros risque. Je suis revenue ici jeter un petit coup d’œil sur mon enfant et je suis retournée. Mon devoir m’appelait. Ça n’a pas duré longtemps.

Il y a eu une dénonciation, une filature. Et je suis arrêtée3. Tout mon réseau. 70 personnes embarquées. […] Interrogatoires, prison, des coups, des… tout, tout, tout. J’avais le droit absolument à tout. Et finalement, avec une enquête, ils ont découvert qu’en plus d’être dans la résistance, j’avais commis un délit terrible : j’étais juive. Et là, camp de Drancy. Je ne sais pas comment elle a fait ma chère petite mémé, Noémie Fradin. Dans un pain, un gros pain qu’elle m’a envoyé dans un colis. Je reçois ce colis, et dans le pain, je sors une lettre. Et dans la lettre elle me dit : « Ma chère Irène, soyez tranquille, quoi qu’il vous arrive votre enfant est mon enfant. Le jour où vous allez revenir, je vous le rends entier. » Et bien, au bout de 26 mois, j’avais la force, le moral de revenir. J’ai trouvé mon enfant, mon petit Thomas dans ce village Noirvault. »

1 Pseudonyme de Léon Chertok, membre du MNCR

2 Certainement Eva Fradin

3 Amie de Léon Chertok, Rebecca Irène Kasmann et son mari sont arrêtés à Paris en mars 1943. Déportés en juillet 1943, seule Rebecca Irène Kasmann survit à la déportation.

Témoignage recueilli à l'occasion du 40ème anniversaire de la libération de Moncoutant – septembre 1984.

 

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